L’utilisation de nos urines et matières fécales (excrétas) comme fertilisants permettrait de diminuer notre dépendance aux engrais synthétiques et de réduire l’empreinte écologique de l’agriculture. Une étude, baptisée Matahagri (MATière orgAnique Humaine pour l’AGRIculture), est conduite en ce sens pour développer une filière locale de collecte et d’utilisation agricole de ces substances sur le territoire La Rochelle - Aunis - Ré.
Pendant des millénaires et jusqu’au XIXe siècle, les excrétas humains comme ceux des animaux d’élevage, étaient utilisés pour fertiliser les cultures. La valorisation de ces ressources naturelles, riches en nutriments essentiels à la croissance des plantes, a progressivement été abandonnée au profit d’engrais de synthèse, dont la production dépend de l'approvisionnement en gaz naturel qui ne sera pas éternel. Dans le même temps, les excrétas humains ont été relégués au statut de simples déchets. Leur dilution dans les eaux usées ne permet, aujourd'hui, qu’un faible taux de recyclage, sous forme de boues d’épuration épandues dans certains champs.
Vers une valorisation locale
La tendance pourrait cependant s’inverser. Car un peu partout en France et dans le monde des projets se multiplient pour remettre au goût du jour cette pratique ancestrale de valorisation des excrétas humains dans l’agriculture. Y compris, ici, à La Rochelle. Une étude exploratoire a en ce sens été confiée à l’association Matahagri (MATière orgAnique Humaine pour l’AGRIculture) dans le cadre du projet « Terres de Transitions », né de la convergence de LRTZC et du Projet Alimentaire de Territoire (PAT). Conduite sur le périmètre de l’Agglomération de La Rochelle et des trois Communautés de communes Aunis Sud, Aunis Atlantique et de l’Ile de Ré, elle doit permettre de définir les conditions de développement de filières pour collecter l’urine et les matières fécales « à la source » et les valoriser au plus près chez nos agriculteurs locaux.
Qu’en pensez-vous ?
Deux questionnaires en ligne ont été diffusés, entre mai et octobre 2024, l’un auprès des agriculteurs, maraîchers et autres producteurs locaux, et l’autre auprès des citoyens-consommateurs afin de recueillir leurs avis sur la collecte et l’utilisation des excrétas comme fertilisant. « Déjà vingt agriculteurs ont fait savoir qu’ils étaient ouverts à cette possibilité », souligne Cécile Jolas, ingénieure construction durable, co-fondatrice de l’association Matahagri. L’objectif est de parvenir à développer une filière circulaire de valorisation d’ici à 2029. Le plan d’actions est attendu en 2025, sur les bases du travail mené par Matahagri.
Identifier la meilleure solution
« Selon les pays, les protocoles ne sont pas les mêmes. Il nous faut trouver la meilleure solution, à la fois efficace, sûre d’un point de vue sanitaire, la moins émettrice de CO2 et pas trop chère, ainsi qu’un modèle économique et de gouvernance pérenne qui dépende le moins possible des subventions », explique Marie-Véronique Gauduchon, ingénieure transition énergétique, co-fondatrice de l’association Matahagri. Les différents moyens de collecte (toilettes à séparation lors des évènements grand public, bâtiments tertiaires, habitat participatif…) et systèmes de stockage devront être comparés et analysés. « Il faudra ensuite envisager une approche à la carte en fonction des différentes cultures et des pratiques », estime Cécile Jolas. Les premiers essais « au champ » sont envisagés à l’automne 2025 avec l’urinofertilisant et en 2026 avec le compost issu des matières fécales.